Espiègleries épistolaires et autres galanteries

Madame,

Soyez bien assurée que le soin de votre réputation m’est plus cher que ma propre vie et que mon sang se glace à l’idée d’avoir pu vous compromettre par mon courrier déplacé. Je vous supplie de bien vouloir mettre cette imprudence sur le compte du trouble violent dont je suis le malheureux objet depuis que je suis sous l’emprise de votre prose.
Ah de quelles cruelles délices êtes-vous la cause! Le piquant, la justesse, la liberté de ton et de conduite, tout dans le récit de vos aventures est une promesse charmante mais la curiosité et même le désir ainsi mis en branle sont douloureusement contrariés par un mélange de jalousie et d’indignation face à la litanie de vos amants pour le moins inadéquats. J’ai bien honte de notre temps et plus encore de mon sexe, décidément tombé bien bas, à l’idée qu’aussi exquise créature ne puisse trouver amant pour la satisfaire, et c’est pourquoi, pour tenter de relever l’honneur de la gent masculine, je vous offre mes services, dans l’espoir de pouvoir combler un tant soit peu vos attentes. Oh certes, je ne prétends pas correspondre à tous les critères exigeants que votre récit dessine en creux mais peut-être aurais-je l’heur de ne pas être absolument odieux à vos yeux. Dois-je pour me dévoiler à vous vous renvoyer à la fiche qu’en des temps lointains j’élaborai dans le cyber-cloaque que j’ai moi aussi, vous vous en doutiez, fréquenté? Ou bien me suggérez-vous un autre procédé?
Dans l’attente fiévreuse d’une réponse de votre part, je vous adresse, Madame, mes respects les plus libertins,

F.

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Monsieur,
Je suis enlevée, enchantée, transportée de la perfection de votre prose. Je ne saurais assez vous remercier de toutes vos politesses et galanteries. Votre imprudence de tantôt est toute pardonnée, je n’ai point pris ombrage de votre aveu flamboyant, qui loin de m’outrager, m’a inondée d’une douce volupté dont je vous sais gré. Vous avez su toucher l’innocente pudeur d’une âme qui a peine à rendre les armes, au contraire de ce que la navrante réputation qui me poursuit donne à croire.
Vous êtes assuré ici d’un plein secret, mais j’avoue espérer que vous consentiez à répandre avec éclat le doux talent dont vous avez fait preuve dans cette gracieuse missive.
Mais ne perdons point de temps en discours superflus. Je suis dévorée de curiosité à l’idée de découvrir les attraits que la fiche que vous me promettez ne manquera pas de dévoiler. Je ne puis vous promettre de m’enflammer à la vue de votre portrait. Je confesse à regret la faiblesse affligeante et toute féminine, qui conduit à adorer les hommes vains, grand parleurs et mauvais plaisants, pour peu qu’ils aient de beaux traits et la taille belle.
Demeurez certain que vous m’avez déjà conquise par la force de votre esprit et que je suis à jamais
Votre obligée,

Saskia.

PS : Madame de Sévigné, Molière et La Bruyère ne prendront pas ombrage du pillage immodéré dont je viens de faire preuve…

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Ah madame, j’aurais peine à vous peindre les transports dans lesquels m’a jeté votre billet. Quoi! Non contente d’accorder votre pardon à un imprudent qui ne le méritait guère, vous lui laissez même entrevoir une lueur d’espoir! Vit-on jamais pareille bonté réunie à tant de charmes?

Trop heureux d’être parvenu à susciter votre intérêt, je vous renvoie sans plus tarder à ma fiche virtuelle. Demandez “*********”, et vous connaîtrez quelques menus détails de mon existence, mais je dois vous mettre en garde: soucieux de ma réputation, je n’ai jamais jugé bon d’y adjoindre mon portrait, aussi serez-vous déçue pour le moment de ce côté-là. Certes, j’aurais bien pu vous en faire parvenir un par ce même messager qui vous a remis ce pli-ci, mais dans mon état d’agitation extrême, j’ai préféré convoquer les meilleurs peintres de la cour afin qu’ils exécutent de moi l’image la plus flatteuse, susceptible de retenir votre attention ne serait-ce qu’un court instant. Du reste il ne me déplaît point trop de vous faire un peu languir et de prolonger un peu ce moment rare où l’imagination s’égare parmi les possibles. Au demeurant je conçois fort bien votre prudence exigeante sur cet aspect des choses et moi-même, je l’avoue, je ne suis pas insensible, c’est peu de le dire, au feu d’un regard ou à la cambrure d’une chute de reins. Figurez-vous ainsi que la vignette si joliment licencieuse et suggestive qui surplombe vos écrits échauffe déjà passablement mes sens…

Sans doute serez-vous surprise par mon jeune âge, mais j’ose espérer que vous n’oublierez pas alors ce que Rodrigue dit à son père, et qu’en amour bien plus qu’à la guerre, la valeur n’attend pas le nombre des années: pour me faire pardonner ma jeunesse, je vous promets solennellement , divine Saskia, de vous faire l’amour en alexandrins. Faites-moi connaître votre verdict et s’il n’est point trop sévère, je vous enverrai mon portrait. Mais ce faisant, n’oubliez pas, belle amie, que vous tenez entre vos mains le sort d’un malheureux qui vous idolâtre.

Votre dévoué,

F.

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Monsieur,
Grand bien vous prit de m’avertir qu’aucun portrait de vous n’ornait les murs de vos appartements, j’eusse été fort contrariée d’y pénétrer dans l’ignorance de votre petite cachotterie. C’est que je brûle d’examiner vos traits d’éphèbe et que vous êtes décidé à me faire languir ! Pourquoi tenez-vous tant à piquer plus encore ma curiosité ?
Fort bien, je n’ai pas satisfait le peu qui reste à la vôtre ! J’ai préféré vous observer sans que vous me connûtes. Cherchez ma trace, vous me trouverez déguisée ! J’ai voulu sous cet habit examiner ce que vous concédez à montrer de vous. Votre épître dédicatoire est fort aimable, on vous devine fin lettré et homme de goût. Quant à vos vertes années, ne me faites pas l’affront de supposer que je puisse y attacher la moindre signifiance. J’avoue admirer la joyeuse candeur d’un âge rempli d’ardeur, et je préfère la fougue juvénile à la triste atonie que je déplore parfois chez vos aînés.
De grâce, épargnez-moi le faste d’un portrait de cour ! Je vous offre de nous réunir dans cette galerie que les fats nomment « messager » dans la langue de Shakespeare. Votre miniature y figurera en bonne place, et vous aurez tout le loisir d’observer la mienne. Nos entretiens n’en seront que plus doux et vos égarements moins imaginaires.
Demandez *********@hotmail.fr au maître des lieux.
Adieu mon très aimable, c’est maintenant votre réponse que j’attends avec impatience.
Votre très chère,

Saskia

PS: rendez-vous sur mon nouveau blog (www.saskiablog.fr) pour découvrir ces lettres réécrites par un spécialiste…

13 Responses to “Espiègleries épistolaires et autres galanteries”

  1. Loïc Says:

    Délicieux échange, et je le pense que cela l’est plus quand on en est un protagoniste que quand on le voit de l’extérieur….
    Bref à voir comment cela va évoluer ?
    Ca date de quand ?

    Et, vive la jeunesse !

  2. Travelping Says:

    Joli exercice de style (ce n’est que cela n’est ce pas ?). Ca donne l’impression que la machine a voyager dans le temps existe bel et bien et que quelqu’un l’a emprunté :)

  3. Pinkophage Says:

    Ah enfin quelqu’un qui semble intéressé par autre chose que tes fesses (même si on sent une légère part de fantasme dans son récit, mais à la fois, tant mieux !) qui semble prendre son temps et être intelligent. Je languis d’avoir la suite !!!

  4. Izh~ Says:

    Du grand art !
    Voilà un échange bien agréable à lire…
    Courtois et original.

  5. JPEG Says:

    Un bel ami du mot passant….

  6. JPEG Says:

    Bill me fout les boules …!

    Chose la plus étonnante, la plus surprenante, la moins merveilleuse, la moins miraculeuse, la moins triomphante, la moins étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la moins extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la moins grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la moins éclatante, la plus secrète jusqu’aujourd’hui, la moins brillante, la moins digne d’envie …… une chose que l’on ne peut pas croire à Paris (comment la pourrait-on croire à Lyon) : une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde, …….
    …….. et à moi en l’espèce et en particulier,

    Impossible de publier le moindre commentaire sur le dernier sujet publié!

    Re-grrrrrrrrrrrrrrrr!

  7. Jeanphi Says:

    ‘Espiègleries épistolaires et autre galanteries’,
    ou l’effet que peut avoir, sur un homme de lettres, la photo 200×107 pixels, d’une femme en nuisette.

  8. To0m Taylo0r Says:

    “Ah enfin quelqu’un qui semble intéressé par autre chose que tes fesses…”

    Oui… enfin…

    …Sauf qu’il adresse ses “respects les plus libertins”. Mais au moins il a, cette fois-ci, l’art et la manière pour le faire. C’est tout de suite beaucoup plus charmant…

  9. Tarama Says:

    (Rigolo, on me demande de taper “endive” pour laisser un commentaire…)
    Bon Sasskia, j’ai hâte de lire la suite !
    Je suis ton blog depuis ses débuts, et je dois dire que c’est de loin le préambule de relation le plus encourageant de tous, je n’ose imaginer dans quelle attente ces échanges t’ont laissée… J’espère que ce qui y a succédé fut à l’avenant !
    la suite la suite LA SUITE !!!!

  10. Saskia Says:

    Oui!! C’est le nouveau système de commentaires installé par Anadema, qui donc a choisi de faire taper à nos lecteurs des noms de fruits et légumes… je ne sais pas pour vous mais moi je trouve cela un tout petit peu salace !
    Bon, alors la suite, je ne pense pas en faire un post! Ce jeune homme a effectivement trouvé un moyen très efficace de me séduire à l’écrit. Mais je ne suis pas si suprise, parce que j’ai su ensuite qu’il vient du même quartier que moi, qu’il a fréquenté le même lycée, a fait grosso modo les mêmes études que moi, au même endroit, et nous avons de ce fait des tas de profs et de connaissances en commun. C’est à la fois très encourageant et très désespérant…

  11. JPEG Says:

    Dommage pourtant …. la scène se ménageait et les artistes allaient, pour l’occasion se tailler un costume sur mesure. Les dialogues eurent pu être parfaits, les interprètes n’étant pas avares de leurs mots.

    Tout était au point pour notre plus grand plaisir ! La distribution s’annonçait remarquable, et nous allions pouvoir prendre acte du spectacle. Tragédie, comédie, comique troupier, opéra bouffe, one man très show, le mystère restera… Les planches n’auront pas brûlé.

    Aucune remise de « Molières » à l’issue de la représentation.

    De ma loge pourtant, déjà je me réjouissais du jeu des acteurs et attendais que retentissent les trois coups, pour enfin applaudir la performance !
    J’en reste les bras ballants !

  12. To0m Taylo0r Says:

    Fréquenter les mêmes lieux, choses, profs, lycées, etc. ne fait pas pour autant d’un homme un erudit, ni un jumeau intellectuel ! (je sais, j’enfonce des portes ouvertes…)

    Moi-même, j’ai été à l’ecole avec un certain Jean-Kevin et c’est avec beaucoup de depit que je le vois passer aujourd’hui au volant de sa 106 sport avec les néons rouges style K2000. Et encore,je ne vous parle pas de son slim avec lequel il adore pratiquer ce nouvel art majeur qu’est la tektonik (si ça s’ecrit pas comme ça, clairement je m’en fous! :P )

    Certes, je ne suis pas un erudit non plus, mais de là à avoir une voiture-sapin de noel, quand même pas!.. Et pourtant on fréquentait les mêmes endroits (à l’age bète probablement)

    Ton ami, s’il n’est pas un visage nouveau et qu’il ne peut y avoir cette excitation grisante de la decouverte, merite, rien que pour son goût pour l’art épistolaire (que je kiffe grave…big dedikace à Jean-kev…arf) tous les meilleurs égards.

    Je ne suis pas déçu par ta “révélation” qu’il ne s’agit pas d’un inconnu (intelligent, cultivé, oui mais…)… elle confirme que le jeu amoureux est une alchimie bien difficile à réaliser… un ensemble de choses tellement complexe qu’il est même parfois difficile de le raconter!

    Tom

    PS: pour le prochain tour, je vote pour le fenouil

  13. jul Says:

    un clone de vous, voilà ce qu’est ce monsieur. Ah les profs, une espèce à part… Et autrement, il est pas mal le Monsieur ?

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