Celui qui n’était pas libre de répondre à mes désirs (6) … et Misère…

Loin de se démonter par l’issue abrupte de notre première rencontre, l’Homme marié voulait me revoir. J’ai eu la naïveté de croire cela voulait dire qu’il voulait reprendre là où on en était, et que la décision de poursuivre ou non me revenait. Je n’étais pas sûre d’en avoir envie. D’un côté il y avait le sentiment que ni sa personne ni sa conversation ne m’avaient séduite. De l’autre il y avait une curiosité physique née de ce baiser tellement réussi.
Le lendemain de notre dîner, dans l’après midi, il me rejoint sur MSN et je me rends compte qu’avec lui, les choses sont bien plus compliquées qu’elles n’y paraissent. Il veut se rassurer à propos de son élan de la veille, ça l’embêterait beaucoup d’avoir raté son effet :

LUI - bon dis moi, ça m’a travaillé de savoir si tu regrettais notre au revoir sans doute trop complice aux yeux de ce qu’on avait mutuellement décidé ; (crois le si tu le veux, mais je suis venu avec l’idée que le moment serait courtois et agréable, avec poignée de main à la fin)
MOI - oui peut-être bien ; mais tu recommences un schéma déplaisant que tu m’as déjà décrit ; je vérifie si j’arrive encore à séduire ; de même: je réussis (je voulais écrire « vérifie » donc lapsus: son baiser était réussi), si je peux encore embrasser ; bander ; bref, tout cela pour ton ego, cela n’a rien à voir avec moi

Je savais qu’il avait des choses à se prouver et qu’il m’utilisait en quelque sorte pour remonter dans sa propre estime. C’était un leitmotiv de nos conversations. Lorsqu’il avait entrepris de m’embrasser c’était pour se prouver qu’il y arrivait encore. Il m’avait aussi raconté qu’il avait failli tromper sa femme mais qu’il s’était dégonflé au dernier moment : nul besoin de concrétiser puisque ce qu’il voulait, c’était se rassurer sur sa propre capacité à séduire. Il ne s’est même pas défendu quand il m’a répondu.

LUI – C’est vrai, mais c’est humain, et je pense que c’était surtout dans l’instant ; et par rapport à toi c’est pour cela que ça m’a travaillé ; je suis arrivé à la conclusion que de deux choses l’une ; Ou tu considérais que tu avais trop bu et que j’avais profité de la situation ce qui ferait d’une merveilleuse soirée un fiasco à mes yeux ; parce que j’aurai été un goujat égoïste ; Ou tu considérais somme toute qu’on était pas sur la voie ni d’une liaison dévastatrice, ni d’un coup sans lendemain, mais que c’était simplement un épilogue spontanné et pas si désagréable d’un bon moment, et un partage de tendresse qui m’a fait un bien fou :et là c’est positif pour les deux et j’en serai ravi.
MOI- tu ne comprends pas que c’est les deux à la fois ; au sens propre ; simultanément tu te montres tendre et agressif ; j’ai fini par avoir l’impression d’être avec philippe léotard dans un film de pialat ; d’où ma dernière réaction
LUI - je le comprends très bien, toute la complexité de la situation est de gérer des pulsions et des décisions totalement contradictoires ; que j’ai admis sans problème, je crois que tu as eu raison et que tu as été plus forte que moi
MOI- non, je n’ai pas eu besoin d’être forte là ; de toute façon rien n’aurait pu me faire changer d’avis ; même et surtout si tu m’avais plu (traduisons : tu ne m’as pas séduite).
(…)
LUI - dis moi, aurais tu préféré que je te fasse une bise au croisement et que je rejoigne sur le champ la station de taxi?
MOI – (pensant non) - je n’en sais rien ; tu sais il ne faut pas que tu accordes une telle importance à ce qui s’est passé ; on n’est pas allé bien loin ; compte tenu de mon passif de fille facile devant l’éternel
LUI - la seule que je lui apporte, c’est ai-je été inélégant et t’ai je fait du mal ; quant à la fille facile, je n’ose imaginer ce qu’est une fille difficile.
MOI- mais non tu ne m’as pas fait du mal ; après cela n’enlève rien au fait que tu n’as pas été très délicat ; mais ce n’est pas important ; admettant pour la première fois que j’avais aimé, mais à mots couverts - je veux dire que si c’est ça me faire du mal, tout va bien
(…)
LUI - Souhaites tu que nous testions le thé un jour dans un salon, un restau, chinois, coréen, vietnamien ou tout autre estaminet du genre, ou préfères tu que nous poursuivions nos échanges écrits au fur et à mesure de ma “libération”?
MOI - ta libération risque de prendre des mois
LUI - ou rien du tout, c’est présomptueux d’omettre cette hypothèse
MOI - oui c’est vrai ; je ne sais pas trop quelle attitude adopter ; il y a le risque que ça dérape ; le cas échéant que ça serve juste à rebooster ton ego ; voire que finalement tu préfères être avec ta femme
LUI - Saskia, d’ors et déjà, la machine à laver dans laquelle tu m’as fait passer lors de nos premiers mails à fait beaucoup de bien à mon égo et je ne t’en remercierai jamais assez ; ensuite, en ce qui concerne les risques, tu es seule juge
MOI- interprétant sa dernière remarque de travers - donc tu admets que tu veux aller plus loin ; que c’est à moi de décider ; ne sachant pas quelle attitude adopter ; ça m’embête un peu
Lui - ooops pas si vite ; plus loin peut avoir plusieurs sens
Moi - je veux dire coucher ; c’est le premier sens
LUI - donc j’ai eu raison de dire pas si vite ; quand je te propose de se revoir ; c’est pour un schéma comme celui d’hier sans cet élan presque puéril (mais je m’attendrirai presque dessus tout seul) que j’ai eu en te laissant ; d’ou mon allusion au thé sans alcool, comme ça on prendrait même pas le risque
Moi - consternée par tant de mauvaise foi - je crois que tu mens sans même t’en rendre compte ; parce que c’est une façon de m’apaiser en me disant une fois de plus qu’il n’y pas de risque
LUI - bah, c’est pas très délicat pour ma capacité à me fixer une ligne de conduite
MOI (mais pourquoi prétend-il se fixer une ligne de conduite, vu ce que cela a donné la veille ?) - bon je commence à trouver tout ça inutilement compliqué
LUI - alors s’il y en a Saskia, je retourne régler mes problèmes, mais renforcé et plus sûr de moi, et j’espère que tu auras une vie à la hauteur de tes espérances
MOI (ne comprenant pas pourquoi il a si peur des risques) - évidemment qu’il y en a ; c’est la première fois que j’étudie la “faisabilité” d’une liaison, voilà ce qu’est l’adultère
LUI - ça restera pour moi un échange entre deux personnalités intéressantes, suffisamment intense pour qu’il soit prenant, et suffisamment innocent pour qu’il reste un bon souvenir mutuel
MOI (donc il se prend pour une personnalité intéressante, est-ce à lui de le dire ?) - je vois

J’annonce mon départ, et il me dit au revoir en ayant l’air satisfait. De mon côté, je suis très mécontente de cette conversation. J’ai compris pourquoi il avait d’abord affiché une certaine prudence. Vu ma réaction de la veille, il pouvait légitimement croire qu’il m’avait heurtée. En même temps comment avait-il pu manquer l’effet qu’avait eu son baiser sur moi ? J’avais l’impression de lui avoir fait comprendre que je ne l’avais pas si mal pris.
Mais je commence à comprendre ce qu’il a dit en premier. Alors que c’est moi qui ai mis fin au baiser, il affirme qu’il ne se serait rien passé de plus, ni « une liaison », ni « un coup d’un soir » : je l’avais devancé en le repoussant, et d’ailleurs j’avais eu raison, j’avais été « plus forte » selon lui. Pourquoi tant de scrupules à propos des coups d’un soir ? Les hommes sont en général preneurs… A quoi rime ce déni du « risque » ? Il n’y avait que le risque qui m’intéressait, c’était bien le sens du mail que je lui avais envoyé avant notre rencontre.
Mais je n’avais pas saisi qu’il souhaitait me revoir en pur esprit. Je le soupçonnais fortement de se mentir à lui-même, et pire, d’avoir besoin de me séduire encore, peu convaincu de sa première prestation.
Je décide de ne pas en rester là et de lui dire le fond de ma pensée et je lui écris après quelques minutes :

MOI- je sais pas où tu mets la limite entre prenant et innocent, tout repose là dessus ; je veux des rapports francs avec les gens, je n’ai pas l’impression que c’est vers ça qu’on va
LUI - alors n’y allons pas, moi je ne veux pas t’apporter de problèmes, n’y m’en créer on en a suffisamment pour ça
MOI - d’accord
LUI - et pour info, le prenant était intellectuel, l’innocent physique et je suis de bonne foi ; on se tiendra au courant de nos parcours, tu veux bien?
MOI n’en croyant pas un mot - tu te crois sincèrement de bonne foi, je le sais bien

L’innocent est physique. N’importe quoi. Je suis exaspérée. Il n’avait pas le droit de m’embrasser et de me donner envie de lui s’il pensait qu’il valait mieux qu’il ne se passât rien. J’avais été bernée.

( A suivre)

8 Responses to “Celui qui n’était pas libre de répondre à mes désirs (6) … et Misère…”

  1. Ambiome Says:

    Tsss… Bouffon. (c’est plus fort que moi)

  2. Taupe Says:

    Non pas bouffon : courtisane. C’est ce que prouvera le prochain chapitre. hu hu.

  3. Pinkophage Says:

    Je dois être à coté de la plaque mais pour moi, ce monsieur veut simplement aller doucement, prendre le temps que vous vous connaissiez et ne rien prévoir… où te dit il qu’il veut qu’il ne se passe rien ?? C’est plutôt toi qui lui fais sentir les choses comme cela pour moi.

  4. Vincent Says:

    Ce qui me fait rire dans cette histoire c’est les réflexions métaphysiques sur MSN à la Madame de Sévigné alors que vous avez juste besoin de baiser un bon coup.

    A part ça je comprends la misère qu’il y a pour toi à avoir renié un de tes principes (pas d’adultère)… et finalement sans le plaisir de la transgression! C’est horrible…le pire c’est que tu risques de vouloir te rattraper avec un autre après.

  5. Julien Says:

    “Pourquoi tant de scrupules à propos des coups d’un soir ? Les hommes sont en général preneurs…”

    C’est vrai, mais les mecs peuvent rester prudent aussi, histoire d’identifier si la nana est pas en train de se faire un film genre prince charmant, ou veut simplement un coup d’un soir…

    Bref, je ne sais pas où cette histoire peut mener, mais ça parait bien compliquer sans qu’il se soit passé énormément de choses… Mais ça marche comment une fille ? ça joue au mécontente après un baiser et ça s’étonne que le mec pense avoir déçu… Si le mec l’avait joué bien macho, genre sûr de lui (emballée, c’est pesée…), il aurait certainement réduit ce long chat MSN pour en arriver à l’essentiel, comme quoi, nous, les mecs, pour tout comprendre, c’est pas gagné…

    Don’t Worry and all the best !

    Julien

  6. Saskia Says:

    @ pinkophage - “où te dit il qu’il veut qu’il ne se passe rien ?”
    “quand je te propose de se revoir ; c’est pour un schéma comme celui d’hier sans cet élan presque puéril (mais je m’attendrirai presque dessus tout seul) que j’ai eu en te laissant ; d’ou mon allusion au thé sans alcool, comme ça on prendrait même pas le risque”, ça te va où je te donne une autre citation ?

    @ Vincent - “vous avez juste besoin de baiser un bon coup.” C’est bien ce que j’essaie de lui faire admettre, mais il ne prête pas assez attention à mon discours.

    @ Julien - “C’est vrai, mais les mecs peuvent rester prudent aussi, histoire d’identifier si la nana est pas en train de se faire un film genre prince charmant, ou veut simplement un coup d’un soir…”
    Je trouve ce que tu dis très méprisant pour les filles: avoir envie d’une vraie relation enrichissante, ce n’est pas nécessairement se “faire un film genre prince charmant”. Et quand bien même ce serait le cas, je ne vois pas en quoi il faudrait en éprouver de la honte. Et puis dans le cas présent, ce monsieur avait lu mon blog, et ne pouvait pas croire que j’étais du genre à me faire un “film genre prince charmant”.
    - “ça joue au mécontente après un baiser et ça s’étonne que le mec pense avoir déçu… ” J’avais de bonne raisons d’être mécontente, si tu relis. Après, il avait aussi le moyen de savoir qu’en même temps j’avais aimé. OK, pour jouer la prudence le lendemain, mais il avait déjà proposé de ME REVOIR, mais sans assumer ses envies. Dire que dans cette histoire c’est la fille (moi) qui est compliquée, je trouve que c’est le comble!
    Mais comme toujours, chacun voit midi à sa porte.

  7. Julien Says:

    Mais ma remarque n’avait rien de méprisant (bon, le terme de prince charmant n’est pas adapté, j’avoue)
    Les filles aussi font ça, en fonction de nos émotions et/ou envies, on essaie de voir si la personne en face est en phase : pour une relation, un coup d’un soir, ou les deux.
    Il n’y rien de honteux de chaque cas, c’est juste pour éviter les malentendus (et ça, c’est pas simple !) ! Après, il y a ceux qui ne pensent qu’à eux, disent et font ce qu’il faut = manipulation, sans se préoccuper du reste, c’est un autre choix.
    Ce qui complique la situation apparemment, c’est que le monsieur est déjà en couple (situation non vécu donc je m’arrête là)
    Bon, le monsieur avait lu le blog, ah, j’avais loupé ce passage ! Je suis nouveau, je découvre, et voilà ! Promis, je ne loupe plus d’épisodes !

  8. desir-sucré Says:

    voila juste un homme qui n’est pas sur de lui, et qui se laisse désarconner par le moindre baiser. Il a besoin de se rassurer, de se raconter son histoire mille fois dans sa tete… pour au final, ne pas savoir ou il en est… pauvre garcon.

Leave a Reply

*
Recopiez ci-dessous le mot affiché dans l'image
Image anti-spam